2012-10-11

Taiwan aujourd'hui 關於我的眷村影像報導


   繼2006.10 Taiwan Review刊登關於我的眷村影像記錄後,採訪記者Jim來電徵求我同意,希望將英文版報導翻譯成法文後,刊登在新聞局另一本刊物Taiwan aujourd'hui(今日臺灣)上。分享如下:

International & Deux rives

Chronique d'une disparition

Auteur:Jim Hwang 

Date de publication:1/3/2007


>> Depuis 17 ans déjà, Felix Lee concentre son objectif sur un paysage urbain, un mode de vie en train de disparaître : celui des « villages millitaires »

Si les tours modernes qui se dressent dans les villes de Taiwan sont la preuve de la réussite économique du pays, elles cachent également un chapitre de son histoire qui est lentement en train de s'effacer. 

Dans chaque grande ville de l'île existent des quartiers connus ici sous le nom de « villages des familles de militaires ». Nombre des minuscules maisons qui les composaient ont été rasées pour laisser la place à des immeubles. Parfois, ces « villages » - qui sont en réalité plutôt de minicités au cœur des villes sont à l'abandon et ont été envahis par les ordures, d'autres sont devenus des squats. 

Il n'en reste plus beaucoup qui soient restés en l'état, avec leur organisation « communautaire ». Autrefois caractéristiques du paysage des grandes villes de l'île, ces quartiers sont en passe de disparaître. C'est la raison pour laquelle le photographe Felix Lee [李俊賢] a décidé de les fixer sur la pellicule avant qu'il ne soit trop tard.

Selon le ministère de la Défense, on a dénombré jusqu'à 888 cités militaires, le plus souvent au cœur des villes. Taipei et sa banlieue, par exemple, en comptaient plus de deux cents, et Kaohsiung une bonne centaine. Leur apparition remonte à 1949, lorsque près de 600 000 soldats de l'armée nationaliste fuyant la guerre civile sur le continent débarquèrent à Taiwan. 

Ils furent tant bien que mal logés sur les bases militaires. Les Japonais qui avaient administré l'île entre 1895 et 1945 avaient bien bâti des dortoirs pour abriter leurs troupes, mais ceux-ci se révélèrent à peine suffisants pour accueillir les officiers. Le reste de l'armée en déroute dut se contenter d'abris de fortune et de tentes, s'installant parfois jusque dans les cours des temples ou dans des entrepôts abandonnés. 

Mais cette situation était loin d'être satisfaisante, et l'armée ne tarda pas à construire de petits bâtiments en dur.
Comme chaque unité était responsable de la construction de logements selon ses besoins, la taille des « villages » pouvait varier de quelques dizaines d'habitations à plusieurs centaines. Leur nom indiquait souvent l'unité de laquelle ils dépendaient, comme le Premier Village de l'Armée de l'Air, par exemple. 

D'autres faisaient référence à l'endroit où ils avaient été construits, comme le Troisième Village de Matsu qui était destiné aux familles des militaires stationnés à Matsu, une petite île située dans le détroit de Taiwan près des côtes chinoises, mais sous juridiction de Taipei.

Tchang Kaï-chek avait assuré à ses hommes qu'ils passeraient la première année suivant leur arrivée à Taiwan à regrouper leurs forces, la deuxième à attaquer les communistes, la troisième à les balayer, pour finalement récupérer le continent en moins de cinq ans. 

Aussi les soldats ne se donnèrent-ils d'abord pas la peine de bâtir des habitations en dur, se contentant de matériaux légers et bon marché, comme le bambou et la paille. Qui aurait pu s'imaginer que la « première année » durerait beaucoup plus longtemps que leurs pauvres bicoques? Entre-temps, certains soldats se marièrent et eurent des enfants, et le besoin de logis plus nombreux et plus grands se fit sentir.

Au début des années 60, les briques et les tuiles commencèrent à remplacer le bambou et la paille. On agrandit les maisons, les ruelles devenant d'autant plus étroites.

Ces cités étaient en quelque sorte des camps satellites rattachés aux bases militaires, et leurs habitants n'avaient que peu de con tacts avec le monde extérieur. On leur livrait régulièrement les denrées de première nécessité, comme le riz, le sel et l'huile. Les enfants fréquentaient tous la même école et jouaient ensemble après la classe sur la « place du village ». A la tombée de la nuit, des bus ramenaient les soldats chez eux, et les enfants se bousculaient pour voir si leur père était rentré et l'embrasser les premiers.

Aujourd'hui, même si ces villages ne sont plus aussi isolés qu'avant, les intrus sont encore regardés d'un drôle d'air, surtout s'ils ont un appareil photo en bandoulière. « Je dois d'abord me présenter et leur expliquer mon projet, explique Felix Lee. Lorsqu'ils savent d'où je viens, ils m'acceptent et n'hésitent plus à me parler. »

Felix Lee est en effet lui-même né dans un de ces villages militaires, à Taoyuan. Il s'est intéressé très tôt à l'art mais n'a jamais étudié la photographie. Après une formation de mécanicien, il travailla brièvement dans une usine, sans y trouver aucun intérêt. Il se remit alors à étudier pour passer les examens d'entrée à l'université. Il fut admis au département de français de l'université de la Culture chinoise. La photo n'était encore qu'un passe-temps.
« Ce que je trouve formidable avec la photo, c'est qu'elle ouvre une fenêtre sur le temps, explique-t-il. Un cliché peut vous ramener à l'époque où vous aviez 2 ans, et en en regardant un autre, vous vous souvenez de vos 8 ans. »

Après l'université, ses qualités de photographe lui permirent de décrocher un emploi dans un magazine de voyages. Il parcourut l'île de long en large, mais les quartiers militaires n'avaient pas encore capté son attention. Ce n'est qu'en 1989, lorsqu'il apprit que le gouvernement envisageait de construire des immeubles là où s'élevait son « village » natal à Taoyuan pour y reloger les familles de militaires, qu'il comprit qu'il était temps de documenter ces communautés avant qu'elles ne disparaissent.

Il avait déménagé à Shulin, près de Taipei, à l'âge de 12 ans, lorsque son père avait quitté l'armée et trouvé du travail dans la capitale, mais sa famille a longtemps gardé ses droits sur la petite maisonnette de Taoyuan. Encore aujourd'hui, ils y retournent de temps à autre pour rendre visite à d'anciens voisins, et les liens sentimentaux restent très forts. Pour Felix Lee, photographier ces cités, c'était donc aussi enraciner sa propre existence dans l'histoire de Taiwan.

L'armée continua à construire des résidences pour les familles de militaires jusqu'à la fin des années 80, lorsque commença à se poser la question du bien fondé de cette politique visant à loger gratuitement certaines familles plutôt que d'autres. Quoi qu'il en soit, le ministère de la Défense décida de faire détruire ces cités, dont certaines étaient déjà fort délabrées, pour les reconstruire à neuf, et une loi fut adoptée à cet effet en 1996. Celle-ci prévoit la démolition de tous les « villages militaires » construits avant 1980 et la réaffectation des terrains à d'autres usages, chaque famille délogée devant recevoir en échange un appartement dans de nouveaux immeubles. Le processus peut prendre beaucoup de temps. Dans le cas de la cité dans laquelle a habité Felix Lee, 14 années se sont écoulées entre la première réunion sur le sujet et l'achèvement des travaux, en 2003.

Le programme national de reconstruction des logements militaires devrait s'achever en 2009. Felix Lee estime que seule une centaine de cités subsiste encore. Du point de vue urbanistique, on leur a reproché de ne pas permettre la meilleure utilisation des terrains qu'elles occupent. 

Et certaines maisonnettes sont tellement insalubres que plus personne ne veut y vivre. Aussi les habitants sont-ils souvent favorables au programme de rénovation. Mais les relations qui existent entre locataires d'un immeuble ne peuvent se comparer à celles qu'entretenaient les habitants du même « village ». « Nous étions toujours à portée de voix d'un voisin, que ce soit pour lui de mander un peu de sel ou bien pour bavarder. 

Maintenant, les voisins d'autrefois se retrouvent 10 étages plus haut, regrette le photographe. Les relations entre les gens ont changé : on finit par se cloîtrer chez soi sans plus s'intéresser à ses voisins. »

Dans les quelques cités qui subsistent, les personnes âgées se retrouvent sur les places pendant la journée pour jouer aux échecs ou papoter. Tout le monde parle mandarin mais avec des accents différents, révélant la région d'origine de chacun, l'un venant du Sichuan par exemple, l'autre du Shandong ou encore du Hunan... Ils discutent de politique, de leurs voyages en Chine, des plans de reconstruction de leur « village » ou de leurs enfants et petits-enfants. 

Tout comme leurs vieilles maisonnettes, les ha bitants ne s'intègrent pas vraiment dans la ville. D'ailleurs, le monde extérieur ne semble pas particulièrement se soucier d'eux, sauf en période électorale. « Personne ne leur prêtait attention lorsqu'ils étaient encore nombreux, remarque Felix Lee. Mais tout d'un coup, on commence à réaliser qu'il est trop tard pour faire quoi que ce soit. »

Avec ces communautés, c'est tout une sous-culture qui disparaît. Wang Chi-hsin [王繼新], président du comité de gestion du Premier Village de l'Armée de l'Air, explique que les groupes d'immigrants qui arrivèrent à Taiwan par vagues à partir du XVIes. venaient souvent d'un même village du Fujian, quand ils n'étaient pas apparentés, et qu'ils recréèrent ici des communautés très homogènes. En revanche, du fait des aléas de la guerre, les habitants des cités militaires venaient de toutes les provinces chinoises.

« On pouvait y entendre quantité de dialectes, goûter à différentes cuisines régionales de la Chine ou observer d'autres modes de vie, tout ça dans un seul et même « village ». C'était une expérience unique et une des raisons pour lesquelles le souvenir de ces communautés devrait être conservé. Il est impossible de préserver cela dans des HLM de 1 000 appartements. »

Le « village » de Wang Chi-hsin se trouve à Sanchung, dans le district de Taipei. Les 59 familles qui y vivent encore vont bientôt emménager dans de nouveaux appartements à Banqiao, près de Taipei, mais ils essaient de préserver les lieux en les transformant en musée. Le ministère de la Défense souscrit à ce projet, à condition que le gouvernement accepte de classer la cité comme site historique. Il y a de bonnes probabilités que le projet aboutisse, même si rien n'a encore été confirmé.

Plusieurs autres municipalités craignent soudain de voir disparaître des pages entières de leur histoire et commencent à réagir. Le district de Taoyuan a fondé une Maison historique des villages militaires où sont exposés de vieux ustensiles, des photos et autres objets racontant la vie quotidienne dans ces communautés. La ville de Taipei a classé quatre maisons du Village Sud no 44, le premier à avoir été construit.

 Il est malheureusement clair que le mode de vie et les relations humaines qui sont au cœur de cette histoire finiront par disparaître, tout comme cette génération d'anciens combattants et les murs qui les isolèrent si longtemps du reste de Taiwan. ■

Taiwan Review關於我的眷村影像報導

   最近遇見外國友人,很想介紹眷村給他們認識。
不過,一時辭窮,不知該用怎樣的英文表達心中想法。
想起2006年10月,新聞局Taiwan Review英文雜誌,
曾刊登一篇關於我的眷村影像採訪報導,
覺得應該善加利用學習報導文章的用字遣詞。
整理分享。













































Images of Fading History

  • Byline:JIM HWANG
  •   

  • Taiwan Review Publication Date:10/01/2006



  • Felix Lee(李俊賢) has spent 17 years capturing images of people and life in the rapidly disappearing military dependents' villages.
    While modern high-rises in the cities evidence Taiwan's economic development, they also conceal a fading chapter of the island's history. Somewhere in every major city there are a few communities that go by the name of military dependents' villages. While most of them have either been rebuilt into apartment buildings or become neighborhood garbage disposal sites and convenient spots for junkies to shoot up, there are a few remaining where the lifestyle of a traditional military dependents' village can still be found. So long a feature of the Taiwan cityscape, the military villages are now an endangered species, and photographer Felix Lee is trying to capture images of their way of life before they disappear forever.
    According to the Ministry of National Defense (MND), there used to be a total of 888 military dependents' villages, many of which were located in urban areas. More than 200, for example, were in Taipei City and County, and the Kaohsiung area had more than 100. The origins of these villages can be traced back to the late 1940s, when nearly 600,000 Nationalist troops and their dependents withdrew from China to Taiwan. When the troops arrived, they moved into military bases and their families had to try to find somewhere to live nearby. The Japanese had built some dormitories for their own troops, but there was only enough accommodation to house the dependents of the most senior officers. Others had to make do with whatever they could find: tents, quiet corners of temple courtyards or abandoned warehouses. This was obviously unsatisfactory, and before long the army started to build family quarters.
    Each unit was responsible for constructing its own housing according to its needs, so the size of the resulting villages could vary from a dozen housing units to several hundred. The name of a village can also reveal something of its history. Air Force 1st Village, for example, indicates an absence of naval and army personnel, and Matsu 3rd Village is for dependents whose menfolk were stationed in Matsu.
    Chiang Kai-shek told his men that they would spend their first year in Taiwan in preparation, the second year striking back, the third sweeping up the enemy, and recover China within five years. As such, the first-generation houses were seen as temporary shelters, using bamboo and straw as convenient and inexpensive construction materials. Few of the residents of the villages could have foreseen that the "first year" would last way longer than their flimsy dwellings. Meanwhile, more soldiers married and started families, creating a need for more and larger accommodation units. In the early 1960s, bricks and tiles started to replace bamboo and straw as construction materials. Residents of first-generation villages were quick to expand their houses by building into their front and back yards, and the lanes between the units became narrower and narrower.
    These villages were like satellite camps attached to military bases and were largely independent from the outside world. Most daily necessities--rice, salt, cooking oil--were sent to the villages regularly, children attended a nearby school where most of the other students were from their village and they played in the same village square after school. When evening came and the military buses drove in, they rushed to see if their fathers were on them and vie with one another to be the first to give dad a hug. Today, although these villages are not as isolated as before, a stranger with a camera still raises the alarm. "I need to explain where I'm from and why I'm taking their pictures," Lee says. "After knowing my background, I'm considered one of their own, and they start talking."
    Born in a military dependents' village in Taoyuan, Lee has been interested in art since he was a boy, though his later education had little to do with photography. After completing his education at a vocational high school studying mechanical engineering, Lee worked in a factory for a short period of time, but found no interest in this kind of work. He hit the books again to take the university entrance examinations, eventually entering Chinese Culture University's Department of French. Photography at this time was an enjoyable hobby. "The most amazing thing about photography is that it's like a window on time," he says. "You're brought back to when you were two looking at this picture, and eight when looking at that one."
    Although not a professional photographer, Lee's skills proved good enough to land him a job at a local travel magazine. He was taking pictures all over the island, but military dependents' villages did not loom large in his viewfinder. It was not until 1989, when the village where he was born was slated for reconstruction, that Lee began to recognize the urgency of compiling a visual record of life in such communities. Although Lee had moved to Shulin in Taipei County at the age of 12 when his father retired from the army and landed a job in Taipei, they still had title to property in Taoyuan. They return to visit old neighbors from time to time and are still emotionally bonded to the village. For Lee, therefore, photographing these villages is recording his roots in a unique chapter of Taiwanese history rather than just shooting images of people and buildings.
    The armed forces continued to build new villages until the late 1980s, when people began to question whether using taxpayers' money to provide free accommodations for military personnel was fair. The MND also started to look into the issue and draw up plans to rebuild villages--many of which were extremely decrepit--and an act sanctioning this was passed by the Legislature in 1996. All existing military dependents' villages that were built before 1980 were to be torn down and the land used for other purposes. Residents would be given an apartment that they could choose from other sites where construction had already been completed. The time needed for a reconstruction project can be lengthy. It was 14 years, for example, for Lee's village from the first meeting to discuss reconstruction in 1989 to its completion in 2003.



  • The entire village rebuilding project is scheduled for completion in 2009. Lee estimates that there are only about 100 villages that have not been torn down. From an urban planner's point of view, these old communities were an inefficient use of land. Some houses are so worn out that they are dangerous to live in, so many of the inhabitants are in favor of rebuilding, but this changes the communities in a radical way as the low-level horizontal sprawl of the old villages is replaced with high-rise apartment blocks. "You used to be just a shout away from chatting to or borrowing some salt from your neighbor. They are now 10 floors away," Lee says. "The original interaction between villagers becomes like that you find in most apartment buildings, where people stay in their own units and never get to know one another."
    In those villages yet to be reconstructed, residents gather at the open space of the village during the day where they play checkers or just chat. The language is Mandarin, but it is spoken in a wide variety of accents, marking out the speaker as being from Sichuan, Shandong, or Hunan. Likely topics include politics, trips to hometowns in China, village reconstruction plans, or children and grandchildren. The residents, just like the old houses, do not seem to fit into the nearby urban world, and the world does not pay them much attention either, unless an election is approaching. "People didn't give them a second look while there were still many of them," Lee says. "But all of a sudden, it seems that they are all gone, and people begin to see that it's already too late to do anything about it."
    Demolition of the villages means the destruction of an interesting subculture. Wang Chi-hsin(王繼新), chairman of the Air Force 1st Village's management committee, explains that whereas the previous Fujianese and Hakka immigrants to Taiwan were often related to one another or shared a common hometown, residents of military dependents' villages were from all of China's provinces and cultures. "Having all these different dialects, cuisines and lifestyles in one village is unique and exactly why they should be preserved," he says. "But there's no way you can preserve such culture in a public housing project that may have 1,000 apartments."
    Wang's village in Sanchung, Taipei County, was built by the Air Defense Artillery Command. Its 59 households are about to move to their new apartments in Banciao, but they are trying to preserve the entire village as a theme museum. The MND has agreed to preserve it as long as the village is a government-designated historical site. After an initial review by the Taipei County Government, prospects seem good, though nothing has yet been finalized.
    Several other local governments have also noticed that a chapter of history is in danger of disappearing and have started to do something about it. Taoyuan County has set up a Military Dependents' Villages Story House to showcase old utensils, photos, and other things related to life in such communities. Taipei City preserved part of the 44 South Village--Taipei's first military dependents' village--by designating four of the houses as historical sites. But while a small part of the culture is preserved by this handful of museums and old houses, the lifestyle and human relations that are the core of this history will eventually fade away--just like the generation of old soldiers and the walls that used to isolate them from the rest of Taiwan.